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Photo du rédacteurEric Lacroix

Baisse de niveau dans les courses de fond en France !

Dernière mise à jour : 30 mai 2020

par Yves Seigneuric


Quel plaisir de pouvoir avoir au bout de la ligne mon ami Yves Seigneuric, qui a 73 ans à encore la passion de la course à pied dans la voix. Cette passion qu'il a vécu avec son épouse Denise dans les années 70, époque où les femmes étaient encore interdites de marathon. Lui qui a connu les heures de gloire des grands marathons comme Boston, Košice, lorsque celui de New York n'était encore qu'à ses balbutiements.

L'homme de Moussy Le Neuf, qui poussait son amour pour la discipline en s'astreignant parfois des semaines à plus de 300km (2h22'02'' au marathonen 1983), nous livre un regard critique sur les bilans français et les performances réalisées dans les courses hors stade.

Son aide a été plus que précieuse pour la FFA en tant que compilateur méticuleux des courses hors stade, désormais appelé "Running".


Nous vous invitons donc à relire ses propos directs et francs (comme le personnage) dans la revue des entraîneurs d'île de France d'athlétisme qui datent de 2013, mais qui selon lui sont toujours d'actualité et donc préoccupants pour la détection de nos jeunes talents.


Sommes-nous un sport moribond ?

Si je suis intrigué, surpris, déçu par la baisse des performances du fond Français ?

  • 46 marathoniens français en moins de 2h30 en 2011 contre 161 en 1990, et encore il y a eu des années meilleures,

  • 163 en moins de 2h30 en 1984, 172 en 1986, 178 en 1987 et 170 en 1989.

  • La situation n’a guère évolué en 2012, 52 athlètes en moins de 2h30.

  • Et petit additif récent, en 2015, 51 français en moins 2h30, en 2017, 55 français en moins de 2h30 et une petite amélioration en 2019, 83 français en moins de 2h30, 2020 nous n'en parlons pas, ...j'ai peur que la relance soit difficile en 2021.

Le niveau n’a jamais été aussi faible pour le marathon depuis le milieu des années soixante-dix, 1977 pour être précis, ou l’on trouvait cette année là, 50 athlètes sous cette performance.


Je ne comprends pas, car on a formé des centaines d’entraineurs hors stade, le matériel s’est amélioré, les méthodes d’entrainement sont différentes et censées être plus efficaces.

Même les athlètes naturalisés ne confirment pas leur potentiel et ne gardent pas leur niveau (marathon des JO de Londres 2012).


Alors que s’est-il passé ? Que se passe t’il ?

Je commence par nous mettre en cause, nous ces passionnés des années soixante-dix et quatre-vingt, qui avons "guerroyé" contre la fédération pour faire adopter, notre pratique qui sortait du stade. Nous n’avons pas su, pas pu,... pas voulu transmettre notre passion, et, en de nombreuses occasions nous avons été empêchés de nous impliquer.


Il me semble que l’on rencontre aussi beaucoup d’égoïsme, de nombrilisme, chez pas mal de nos anciens qui courent encore. Je dis souvent, qu’il m’a été permis de vivre ma passion avec l’aide de tous ces officiels, bénévoles, dans les clubs, les organisations, et qu’à mon tour je dois aider les plus jeunes.


Alors pourquoi un tel gâchis ?

C’est probablement l’addition, l’accumulation de plusieurs causes :

  • Il n’a jamais été admis en France que l’endurance pouvait être une qualité, au même titre que la vitesse, la détente, la force ou la résistance ;

  • Il me semble qu’il n’a pas été pas compris de quelle manière on s’entraîne en endurance. Il n’y a pas que l’athlétisme car nous n’avons plus depuis une vingtaine d’années de très grands champions cyclistes ;

  • La reprise en main par les entraîneurs, coachs, qui n’avaient plus l’œil sur ces hurluberlus qui partaient une heure ou deux dans la nature (forêt, route), d’où des séances d’entraînement sur piste, qui ne se faisaient pas ou si peu à l’époque. Ce n’est pas en réalisant deux séances de "30/30" dans la semaine que l’on va progresser sur marathon ;

  • Il faut bien justifier les indemnités et autres émoluments avec un groupe important avec l’entraîneur sur le stade.


Les formations d’entraîneur sont elles appropriées ?

La désaffection envers le cross et sa mort programmée et la non participation de nos meilleurs athlètes dans nos championnats régionaux sont éloquents. Il est même possible pour des athlètes performants d’être champion de France de cross sans avoir couru un cross de l’hiver...

Quel exemple pour nos jeunes, et quelle déception pour eux de ne jamais côtoyer nos champions !

J’ai même sur le bout de la langue le nom d’une athlète internationale licenciée en Ile de France, qui en 12 ans n’a jamais participé à une compétition dans le département où elle était licenciée.


Il est aussi possible d’évoquer les regroupements de clubs. Chaque club présentait, il y à 20 ans une ou deux équipes aux championnats de cross, des équipes de 6 coureurs classés, les regroupements ont diminué le nombre d’équipes participantes.


Il y a aussi l’apparition d’opportunistes, qui n’ont que peu de compétences et beaucoup d’ambitions qui occupent parfois des postes importants.


L’afflux de coureurs étrangers, des pays de l’est au début des années quatre vingt dix et d’Afrique début des années 2000 est aussi une cause de baisse de motivation de nos athlètes. Ainsi la fédération n’a jamais soutenu, aidée, la seconde couche, ces coureurs à 2h20-2h30, qui doivent travailler pour vivre, faire vivre leur famille, et qui ne peuvent absolument pas lutter contre les jeunes Africains, qui eux courent, mangent, dorment et récupèrent.


J’ai aussi une boutade pour évoquer cette situation :


"Les coureurs Africains courent pour manger, nos jeunes courent pour maigrir."


Ces athlètes, coureurs locaux sont totalement oubliés par les organisateurs, et là c’est l’effet pervers de la labellisation. Si les organisateurs veulent conserver leur label national ou international, ils se doivent que les athlètes invités y réalisent des performances, ce qui est devenu très difficile avec nos jeunes athlètes.


Il n’existe plus de rassemblement d’entraînement annuel, genre le stage de Pâques à Mimizan, qui permettait des échanges entre athlètes. C’était une récompense pour les athlètes du second niveau, passer deux semaines à ne penser qu’à la course à pied.


Quelque part le groupe doit manquer, puisque nos athlètes les plus performants partent s’entraîner au Kenya, ou financent la venue d’athlètes Africains pour s’entraîner avec eux.


Les championnats de France de marathon meurent petit à petit, faute de participants performants et du manque de considération pour ceux qui y participent.


Il faut réhabiliter nos championnats, et surtout ne plus entendre un éminent membre du comité directeur de la fédération, membre de la CNCHS, proclamer en AG de la FFA, qu’il ne servait à rien d’organiser un CF de marathon pour avoir un vainqueur à 2h20.


Il n’y a pas eu de CF de marathon en 2009. Il n’y a même plus de candidat à l’organisation, trop chère, trop de contraintes, d’obligations. Il faudra un jour s’intéresser à ce que sont devenus les organisateurs de CF, il y en a quelques-uns qui ont jeté l’éponge dans les 2 ou 3 années qui ont suivi.


Il me semble important de donner un nouvel élan aux championnats sur route, 10 km, semi, Marathon ou d’ultra, de trouver des idées pour motiver les participants.


Nous pouvons aussi parler du sport à l’école, de plus en plus inexistant ou tout au moins qui ne prépare plus les gamins à l’effort physique, je n’évoquerais pas le frisbee.


Que dire aussi de ces revues de course à pied ou sites internet qui multiplient à l’envie les plans d’entraînement pour la réalisation de perfs qu’un bon marcheur réalise sur une jambe.


Comment aussi ne pas évoquer la « dé-médiatisation » de notre sport, regarder notre journal sportif, il faut une loupe pour y trouver la rubrique athlétisme, la télé ne montre que les grands événements, la presse locale à quelques rares exceptions, n’est guère plus efficace.



Doc. Yves Seigneuric


Comment intéresser les jeunes, quand on ne parle jamais de notre sport, à une époque ou tout est image ?


Il est aussi possible de mettre aussi en cause les nouveaux barèmes de classement, car n’importe quel licencié peut, en terminant une compétition, marquer des points pour le club. Il fallait auparavant atteindre un certain niveau pour avoir l’honneur d’aider son club.

Nous avons complètement perdu la notion de performance...


Il va m’être objecté que depuis 1992, les courses sont mieux mesurées, donc les performances moins sujettes à la suspicion, c’est probable pour quelques courses et quelques résultats.


Mais je fais un autre constat, c’est depuis que la fédération à pris les courses hors stade en compte au début des années quatre vingt dix, que le niveau c’est progressivement dégradé.


Je me pose encore des questions sur la nomination en 1988 à tête de la CNCHS d’un grand champion de demi-fond, qui a toujours été un farouche opposant aux courses sur route.


Nous avons de plus en plus de coureurs, qui courent de moins en vite, après tout pourquoi pas !


J’ai parlé du marathon, qui me tient à cœur, mais sur les autres distances la situation n’est guère plus réjouissante :

  • 33 coureurs en moins de 1h08 en 2011, contre 121 en 1992, année ou le semi remplace le 25 km,

Les cadres techniques jouent ils le jeu ?

Nous pouvons en douter, après l’expérience de trois matchs inter-ligues junior et espoir sur 10 km route. Toutes les ligues et CRCHS ont été sensibilisées, de même que les CTR, alors comment se fait-il que seulement 9 ligues aient été présentes en 2011 et 2012 ?


Peu de monde pour se préoccuper de l’avenir, et pourtant à Cholet en 2012, 62 des 112 sélectionnés ont battu leur record !


Pourquoi est-il systématiquement organisé un match international sur 10 km pour les mêmes catégories dans la ou les deux semaines qui précèdent le match inter-ligues, au lieu comme je l’ai suggéré, le même jour, sur le même site.


Je n’évoque même pas le démantèlement du service hors stade de la FFA.


Il est difficile d’évoquer les femmes, la course de fond féminine n’en était qu’au balbutiement, le premier marathon Olympique s’est couru en 1984.


Quand j’évoque cette baisse des performances, il m’est souvent rétorqué que c’est un fait sociétal, que l’on n’y peut rien.


Effectivement si nous baissons les bras, nous n’y pouvons rien.


Tournons-nous vers l’avenir, il faudra au bas mot 10 ou 15 ans, voire plus pour redresser la situation, prenons de bonnes décisions :

Aidons les jeunes, organisons des regroupements d’athlètes, créons des groupes d’entrainement ou les athlètes se motiveront, invitons nos jeunes dans les organisations renommées, réactivons les passerelles avec le sport scolaire, rendons nos championnats plus attractifs, sélectionnons ceux qui jouent le jeu, n’ayons pas peur de la compétition, c’est là que l’on acquiert de l’expérience, revenons à des fondamentaux de l’entraînement, le marathon ne se prépare pas sur la piste.


J’ai lu et entendu que pour préparer les épreuves de sprint pour les JO, les nageurs Français nageaient jusqu’à 15 km par jour ?

Il y a peut-être quelques exemples à prendre et des réflexions à entamer.



Yves Seigneuric

Membre de la commission de la documentation et de l’histoire de l’Athlétisme (site CDH)



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