L'entraînement n'est certainement pas une science exacte et encore moins un modèle mathématique construit sur des algorithmes dont nous récolterions les fruits le jour de la compétition.
S'entraîner c'est d'abord s'adapter à la contingence de la compétition que l'on prépare.
En effet, il ne suffit pas de travailler sa performance toute l'année pour être certain de réussir sa course. L'approche se veut être plus subtile et essayer de comprendre quel peut être le modèle de fonctionnement adapté sur la période.
Pour cela il est nécessaire non seulement d’être humble et patient sur les semaines, les mois et les années, tout en sachant observer les réactions de son corps, maîtriser ses émotions, travailler ses outils mentaux.
Aussi plus l’athlète est expert et plus il est difficile de lui imposer un modèle !
Afin de s’adapter au mieux aux stress de l'entraînement répété, souvent long, parfois intensif il doit exister en quelque sorte un modèle holistique d’entraînement qui puisse prendre en compte tous les paramètres de la vie de l'athlète.
Comme le souligne le chercheur Fred Grappe : "l’athlète est en fait un transformateur d’énergie et la puissance mécanique qu’il génère est la vraie réponse".
La Fréquence cardiaque (Fc), par exemple, n’est pas la réponse réelle - et donc l’outil fondamental - car elle ne reflète pas tout le temps la réponse de l’exercice (nous sommes sujet au stress, à la chaleur, à la nature du terrain).
Ainsi la perception de l’exercice ne répond pas uniquement à la fréquence cardiaque, elle va seulement nous guider dans l’entraînement.
Il est donc nécessaire de travailler dans le sens d’une réponse perceptive durant l’exercice et au feeling. On parle ici de notion de RPE (Rate of Perceived Exertion) ou de niveau d’effort perçu qui peuvent être associés à divers stades de progression :
1er stade : la facilité ;
2e stade: la maîtrise ;
3e stade : la performance ;
4e stade : le défi ou comment sortir de sa zone de confort ;
5e stade : la panique ou être dans l’incapacité de mesurer le décalage.
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Mais on ne progresse pas sans fatigue !
L’entraînement effectué régulièrement est une sollicitation qui agit sur l’organisme et vient perturber son équilibre (on parle d’homéostasie).
Face à cette perturbation, la réponse de l’organisme est une adaptation, conduisant à une amélioration de la capacité de performance, l’objectif étant d’obtenir une amélioration ou un maintien d’une certaine forme tout au long de la saison.
Cependant il est nécessaire de rappeler que la charge de travail est l’élément central de cette progression et qu’elle n’est pas, comme beaucoup le pensent dans le monde du Running, uniquement le nombre de kilomètres courus ou en Trail le dénivelé cumulé tout au long d’un bloc ou d’un cycle.
En effet, la charge d’entraînement est une donnée beaucoup plus délicate et subtile à manier car elle met en jeu des éléments non seulement quantitatifs, mais aussi qualitatifs.
Selon Smith, cette charge est la combinaison de quatre éléments :
Le volume de travail qui permet de stabiliser ou de différer la forme et la fatigue ;
L’intensité de ce travail ;
La fréquence des séances ;
La spécificité de cette charge.
Fred Grappe parle également des possibilités de solliciter l’organisme avec différentes charges de travail :
Des charges d’entraînement spécifiques qui font référence aux exercices réalisés dans une gestuelle propre à l’activité et qui agissent sur certaines grandes fonctions importantes s’exprimant au cours d’une compétition. En Trail on peut évoquer le travail en dénivelé long qui sollicite le corps dans des successions de montées et de descentes ;
Des charges d’entraînement générales qui contribuent au développement de certaines qualités physiques de base, notamment par une préparation physique (posture, renforcement, gainage) ou des footings en mode LSD (Long Slow Distance) ;
Des charges d’entraînement dites « analytiques » qui font principalement référence à des exercices inhabituels, programmés spécifiquement pour avoir une action ciblée sur une fonction précise qu’il est très difficile d’améliorer par les actions conjuguées des charges d’entraînement spécifiques et générales. On peut ainsi évoquer les séances de Running en myo cross max ou en Jerk en côtes qui vont cibler un travail spécifique d’intensité élevée afin de stimuler l’organisme dans des secteurs qu’il n’a pas l’habitude de côtoyer ;
Des charges de compétitions qui font référence au nombre de compétitions disputées chaque année, ce qui n’est pas à négliger en Running lorsque l’on connaît la gourmandise de ses adeptes à vouloir courir pratiquement toute l’année. Néanmoins elles demeurent un très bon moyen de stimulation des fonctions d’adaptations car en compétition, l’athlète est capable de se surpasser et d’aller dans ses derniers retranchements (chose qu’il est plus difficile de réaliser à l’entraînement). C'est que l'on appelle la notion de contingence.
Le niveau maximal de performance dépend bien sûr de nos limites personnelles et donc également de notre génotype (plus ou moins fort selon les dimensions individuelles).
On parle même de taux de progression qui serait différent selon l’athlète et, bien sûr, en réponse à la charge d’entraînement qu’on lui propose. Cette notion n’est pas linéaire car l’on doit avant tout se construire dans la difficulté avec en permanence l’idée que l’on doit analyser ses expériences, ses réussites comme ses échecs.
Les coureurs ont donc besoin de comprendre ce qu’ils font et pourquoi ils le font, car chacun possède une musicalité intérieure, une coordination personnelle, un mental individuel.
L’idéal étant d’atteindre véritablement l’échelle du plaisir car, il faut être sincère, peu de personnes atteignent la petite étoile, celle de l’exploitation absolue de leur potentiel à 100%. Cela pourrait représenter en fait environ 5 à 10 % du contingent d’athlète de haut niveau en Running.
Cela dit, il est nécessaire d’être meilleur dans la qualité de ses séances et surtout dans la récupération de celles-ci, ce que l’on appelle également les « heures non entraînées », comme par exemple l’alimentation, le sommeil ou les occupations.
Contraintes de l’entraînement
Afin d’entrer dans un processus d’entraînement raisonné et raisonnable, il est intéressant de construire une démarche qui permet de s’approprier et de comprendre ce que la charge d’entraînement peut produire comme fatigue sur l’organisme.
À ce propos, la mesure des contraintes de l’entraînement est une porte d’accès à la compréhension de ses effets. Ainsi il ne faut pas vouloir renier la souffrance qui doit aussi exister afin de progresser, mais trouver l'équilibre subtil des charges d'entraînement qui permettent de ne pas se blesser, de ne pas sombrer dans une trop grande fatigue.
Les 2 versants complémentaires des contraintes de l'entraînement.
La contrainte de l’entraînement est en fait le produit de la charge d’entraînement totale de la semaine avec l’index de monotonie de la semaine.
Ce qui donne comme équation simple :
Contrainte = Charge d’entraînement totale de la semaine x Monotonie Contrainte de l’entraînement
En fait, et pour une charge d’entraînement donnée par semaine, plus la monotonie augmente et plus la contrainte augmente. Inversement, pour une monotonie donnée, l’augmentation de la charge de travail augmente la contrainte.
Foster (1998) a en effet montré que les problèmes de santé d’un sportif (maladie, blessure, fatigue) survenaient très souvent lorsque les indices de monotonie et de contrainte atteignaient des valeurs anormales.
La monotonie de l’entraînement, quant à elle, est un « index de variabilité de l’entraînement », corrélée avec la charge de travail permettant de déterminer des périodes de surcharge voire de surentraînement.
Pour aller plus loin, on peut définir cet index chaque semaine comme le rapport entre la charge d’entraînement moyenne d’une journée sur la déviation standard :
Monotonie = charge moyenne hebdomadaire / écart type
L’augmentation de la charge de travail et de la monotonie peut engendrer un syndrome de surentraînement (on parle aussi de surmenage, mais qui est plus lié aux aspects psychologiques).
C’est pourquoi il est toujours important de préserver une certaine variation de la charge d’entraînement dans la semaine de façon à diminuer l’index de monotonie, comme il est aussi impératif de varier les séances en intensité, en volume, en travail spécifique, pour y trouver aussi un certain plaisir.
Épuisement et risque de burn out
Le cortisol, l’hormone du stress, aiguise les sens et accroît l’aptitude de réaction, préparant le corps à agir de façon appropriée. C’est pourquoi nous avons besoin de cortisol pour traverser toutes les épreuves et toutes les sollicitations.
Toutefois, à force de « tirer » sur la surrénale, on peut rencontrer ce que l’on nomme désormais le fameux burn out. Les taux de cortisol et de DHEA continuent à décroître pour atteindre leur niveau le plus bas. La fatigue arrive et la lassitude agit machinalement, comme si ce n’était plus le cerveau qui le commandait, mais le corps.
La fatigue mentale s’installe et nous amène à nous demander au réveil :
« Quand vais-je retourner me coucher ? ».
Les mauvaises prédispositions génétiques, outre la maladie d’Addison qui est une destruction de la glande surrénale, conduisent de nombreuses personnes à une hypoactivité surrénalienne, à la suite d’un mauvais développement glandulaire. Mais un des facteurs les plus graves est l’épuisement de la glande surrénale qui ne produit plus assez de cortisol ni de DHEA. La fatigue devient alors une fatigue neurasthénique et hypochondriaque avec de nombreuses indispositions diverses : nausées, absences, confusion, distraction, fatigue, tête vide, manque d’appétit ; ou à l’inverse, des envies salées ou sucrées pouvant conduire jusqu’à la boulimie, avec parfois de gros coups de pompe (hypoglycémie).
La dernière phase de ce processus est même très perverse car la glande surrénale ne réagit pas ou peu au stress, le cortisol et la DHEA s’effondrant. Dans cette phase d’épuisement, l’organisme déclenche alors une activité compensatoire de la part d’autres systèmes.
Ainsi, avec l’excès de cytokines inflammatoires, les compensateurs peuvent devenir destructeurs. Ce processus semble être engagé dans la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique et d’autres pathologies inflammatoires.
L’épuisement fonctionnel de la glande surrénale n’est que partiellement compris par certains médecins et, par conséquent, a été très peu décrit pour le grand public. En fait, même si le diagnostic clinique reste difficile, il s’agit bien d’une réalité pathologique.
Adaptation de l’organisme à l’effort de l’entraînement et des compétitions
Lorsque l’on soumet au corps une charge d’entraînement adaptée à son potentiel, la capacité de travail de l’organisme évolue de diverses manières :
Tout d’abord par une diminution de cette capacité (fatigue) ;
Puis par une restauration (phase de compensation qui dure de quelques minutes à plusieurs heures) ;
On parle ensuite de phase de surcompensation (ou overcompensation) qui provoque des changements structurels et fonctionnels (le corps n’est pas mathématique) ;
Au final se crée une phase de stabilisation à un niveau proche du niveau initial.
Les troubles qui peuvent nous alerter sur la fatigue liée au surentraînement
Des troubles liés au sommeil avec un endormissement difficile, des réveils nocturnes et un sommeil agité (ou hypersomnie) ;
Des troubles de l’appétit, avec soit un manque d’appétit, soit un comportement inapproprié ou excessif sur la nourriture ;
Des troubles du comportement avec une diminution de la libido, une tendance à l’introversion et/ou à l’agressivité, une certaine anxiété voir une instabilité émotionnelle, et enfin une diminution de la vigilance et du niveau d’éveil.
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Références
Fred Grappe in « Cyclisme et Optimisation de la Performance » Ed. De Boeck 2005
Méthode de Carl Foster : Monitoring training in « athletes with reference to overtaining syndrome » (MSSE, 1998). Suivi de 25 patineurs entraînés sur des périodes entre 6 mois et 3 ans. But de l’étude : relation entre la charge d’entraînement et les problèmes de santé
Bruno de Paula Caraça Smirmaul, Sense of effort and other unplea- sant sensations during exercise: clarifying concepts and mechanisms, Br J Sports Med 2012;46:308–311.
Smith DJ, A framework for understanding the training process
400 leading to elite performance, Sports Med, 33:1103-1126, 2003
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