"Un livre est intemporel et libres sont les foulées de nos pensées. Ces mots resteront pour l’éternité. Quant à nos projets, nos rêves, ils sont fait pour être poursuivis et accessoirement accrochés." David Hauss
À l’image de Cédric Fleureton, grand vainqueur du marathon du Mont blanc en 2016, puis 3ème des championnats du monde de Trail en 2017, les triathlètes commencent à prouver qu’ils sont également performants dans la pratique du Trail.
Nous avions questionné avant le Grand raid 2019 le Réunionnais David Hauss (4eme aux Jeux Olympiques de 2012 à Londres sur triathlon) lors de son passage sur son île natale.
Il avait alors terminé 6ème de l'épreuve, malgré s'être perdu dès le départ.
Le Grand Raid 2020 est le grand objectif de l'athlète du Team "Compressport-Peugeot Réunion".
Alors une étoile va t’elle naître sur les grandes classiques internationales de trail, et sur le Grand Raid 2020 ?
Seul l’avenir nous le dira, mais ses confidences nous font découvrir un homme d’une immense détermination qui est celui de devenir un coureur de Trail confirmé et reconnu, et de faire aussi briller les couleurs de son île natale, l'île de La Réunion.
EL : Bonjour David, peux-tu te présenter rapidement
DH: Bonjour à tous ! Pour être bref, j’ai 35 ans et je suis un ancien triathlète professionnel. Je réside entre la Réunion et la Suisse, selon les saisons, et je fais également partie intégrante du bataillon de Joinville.
EL: Comment t’es tu découvert cette passion pour les sports d’endurance ?
DH: En fait, j’ai grandi à l’île de La Réunion avec une enfance très tournée vers le sport et les disciplines énergétiques. J’ai ainsi beaucoup pratiqué la natation (pour pratiquer le surf) et la course à pied (en cross), et enfin la randonnée de montagne. J’ai aussi fait du skate-board pas mal de temps.
Très vite, j’ai été attiré par la notion de performance et j’ai effectué mes premières compétitions en natation, en cross, puis mon premier triathlon à l’âge de 11ans.
À la poursuite de mon rêve de devenir un champion, je suis parti 4 ans plus tard pour la métropole (en Auvergne la première année, puis dans le Var par la suite), seul et sans famille qui, elle, est restée à la Réunion. Ce qui à très certainement forgé mon caractère et lancé ma carrière.
En l’an 2000, j’ai intégré le Pôle France de Triathlon à Boulouris près de St Raphael sur la Côte d’Azur. J’avais 15 ans. Je suis alors rapidement entré en équipe de France en junior puis chez les élites sur le circuit national et international. J’ai participé à de nombreux Championnats du Monde et d’Europe, mais mon plus grand fait d’arme reste ma 4e place aux JO de Londres en 2012.
Pour ce qui est du Trail, j’ai inclus depuis quelques années certaines courses de ce type, plus ou moins longues, dans mes saisons de triathlon. Mes meilleurs résultats dans ce domaine restent à ce jour une victoire sur la Mascareignes en 2016, puis deux victoires sur le Trail de Bourbon en 2017 et 2018 sur les courses du Grand Raid de la Réunion.
J’envisage désormais de me consacrer un peu plus aux courses de montagnes dans les prochaines années et me rapprocher ainsi de la nature.
Sa victoire lors du Trail de Bourbon 2018 @SFR
EL: Depuis combien d’années t’entraînes-tu ?
DH: En fait j’emploie le terme « m’entraîner » le jour ou j’ai intégré la structure fédérale du Pôle de triathlon à Boulouris, C’était il y a 20 ans, à la période même ou le Triathlon est devenu Olympique aux JO de Sydney en l’an 2000. Mais si je compte les longueurs et longueurs de piscine quotidiennement effectuées avant mes 10 ans, cela remonte à plus longtemps. Au moins à 23 ans je dirais… ça commence à faire des kilomètres mine de rien !
EL: Pense-tu qu’il faut beaucoup s’entraîner pour réussir en Trail et en Ultra Trail ? Et quel plaisir y trouves-tu ?
DH: Je fais un parallèle avec la discipline que je connais mieux qu’est le Triathlon. Il s'avère que ce sont les athlètes les plus aptes à s’entrainer régulièrement et dans le temps qui à mon sens sont les plus performants. Dans un sport comme la course à pied, qui est dans son essence même à dominante aérobie, musculaire, mentale, j’aime à dire que c’est la besogne, les heures et les kilomètres qui, je pense, payent au final. Mais ces heures doivent être réalisées de manière intelligente. Personnellement, j’ai toujours fait beaucoup d’heures avec 3 disciplines à préparer. Je connais donc bien la répétition du geste et j’y crois beaucoup (ce que l’on nomme le pattern gestuel ).
Je suis convaincu que les athlètes de haut niveau qui ont cette faculté de supporter des grosses charges de travail pèsent sur les courses et restent constant sur la saison. J’y trouve quant à moi un plaisir personnel, d’accomplissement aussi. C’est un style de vie, un équilibre pour moi.
Chaque course est spécifique et demande à être préparée en fonction de ces spécificités. Les circuits s’adaptent à la demande croissante des participants qui veulent vivre des moments spéciaux avec la nature, mais aussi avec eux même.
EL: Le Trail a pas mal évolué ces dernières années et la préparation aux épreuves nécessite une approche beaucoup plus spécifique, comme par exemple entre un kilomètre vertical et un Grand Raid, qu’en penses tu ?
DH: Il y a tellement d’endroits magnifiques en montagne que cela donne des idées forcément. Les coureurs se spécialisent selon leurs profils et ils s’entraînent dur. Il est tout à fait normal de voir le niveau augmenter chaque année. À ce propos le niveau à La Réunion est très dense, et celui de l’Océan Indien commence à progresser fortement !
Chaque course est spécifique et demande à être préparée en fonction de ces spécificités. Les circuits s’adaptent à la demande croissante des participants qui veulent vivre des moments spéciaux avec la nature, mais aussi avec eux même. Rares sont ceux qui excellent dans plusieurs registres (courts et ultra) comme Kilian Jornet mais la discipline dans son ensemble n’en est qu’à ses débuts.
EL : Quelle est/sont pour toi la/les séance(s) spécifique(s) d’entrainement Trail que l’on ne retrouve pas dans certains entraînement classiques comme en course sur route ?
DH: Je pense à la traditionnelle sortie longue en montage ou les fameux Week-End-Choc (WEC) dont je commence à entendre parler. Elles sont les marques même des « Traileurs". Cela dit, en me documentant je découvre de nouvelles méthodes d‘entrainements bien spécifiques qui permettent de progresser dans différents secteurs. J’ai aussi mon expérience sur les préparations d’un 5 ou d’un 10 kilomètres sur route, ou d’enchaînements après vélo, qui demandent là de grosses séances d’allure et de temps de soutien.
Mais que se soit du Trail, de l’Ultra, du Km vertical ou un 10km, cela reste de la course à pied. Alors tout entraînement qui tend à pousser les jauges aérobies vers le haut sont bénéfiques. Seules les fréquences et intensités de celles-ci s’en voient modifiées.
EL: Penses-tu qu’une bonne connaissance en alimentation soit indispensable pour réussir en Trail ?
DH: En tout cas une connaissance limitée n’apparaît pas selon moi comme irrémédiable pour réussir en Trail. Cependant, c’est un avantage certain pour ceux qui s y intéresse de près, car plus les distances s’allongent, plus cela prend de l’importance. Mais si réussir c’est gagner alors je suis la preuve que cela n’est pas indispensable !
EL: Est-ce que l’approche mentale est pour toi un facteur important de la performance. Et si c’est le cas pour quelles raisons ?
DH: Il me semble que la détermination oriente la force mentale, cette capacité à se concentrer pour une préparation, un objectif. Et libérer sa toute puissance dans l’accomplissement de cette tâche n’est pas donnée à tout le monde, car elle reste forte en émotions (et il faut combattre ces émotions pour ne pas se démobiliser...).
Il faut être fort mentalement pour envisager chaque éventualité comme un détail. La force mentale permet de gérer tous les stress liés à l’avant course et à l’épreuve. C’est donc primordial d’être costaud dans sa tête pour ce sport et ainsi faire face. Si l’on pêche dans ce domaine il est donc important d’y remédier.
EL: Peux-tu nous donner une semaine type d’entrainement impressionnante, en terme de charge de travail, que tu as déjà réalisé ?
DH: En stage pour préparer les objectifs il m’arrivait bien souvent de passer des gros blocs d’entraînements de 3 semaines à plus de 100 heures sur la période.
Cela représente quasiment 5 heures de sport par jour pendant 21 jours.
Ce qui pouvait donner :
6 sessions de natation à environ 5km de moyenne chacune pour 8 heures/semaines et environ 30km,
5 sorties à vélo dont une séance de type Time trial: une en côte, deux en aérobie pour tourner les jambes et la sortie longue du dimanche matin compris entre 4h et 5h. Cela représente donc 12 heures/semaines et environ 300km,
Puis la course à pied qui est la discipline la plus éprouvante car prioritaire pour moi avec quasiment 7 voir 8 trainings/semaine composés de 3 à 4 sorties en footing, d’une séance de seuil, d’une de rythme sur la piste, ou encore une un peu plus longue à dominante musculaire pour environ 100-120 km, ce qui fait en 10-12 heures.
Bien sûr à cela s’ajoutent les étirements et les 2h-3h de renforcement musculaire type Crossfit et on arrive vite donc à de gros, voir d’énormes volumes. Mais ce sont vraiment les plus grosses semaines que j’ai pu effectuer. Sinon ma moyenne annuelle tourne à 25h et 18-20h les semaines de compétition.
EL: Peux-tu nous donner la recette qui à tes yeux te parait la plus adaptée pour parvenir à de tels résultats en compétition ?
DH: Sans aucun doute Papa et maman ! J’ai la chance d’avoir une très bonne génétique, avec des seuils physiologiques assez hauts, mais aussi d’être d’une constitution très robuste. Je supporte très bien les grosses charges de travail, sans trop me blesser. Alors pour résumer mes propos, je dirais que j’ai un gros moteur et une envie encore plus grande de réaliser de belles choses.
La régularité, la patience et l’abnégation aident aussi à mon sens à obtenir de biens meilleurs résultats.
EL: Quelle-est pour toi la plus grande satisfaction en tant qu’athlète ?
DH: J’ai eu la chance de connaître beaucoup d’émotions dans ma carrière, grâce aux rencontres, aux voyages, aux courses, à mes résultats. Quant bien même ce ne sont pas forcement les grandes victoires qui procurent le plus de satisfaction, ma 4e place aux JO de Londres reste un moment fort, tout comme mon titre de champion d’Europe acquis pied nu en Suisse à Genève en 2015.
Mais ce dont je suis le plus fier c’est d’avoir toujours réussi à me relever et repartir de l’avant pour revenir plus fort à chaque fois et « d’être là » une vingtaine d’années plus tard toujours motivé et compétitif à l’attaque de mes prochains challenges. Car en effet, je suis un homme de challenge, et c’est en premier lieu mes futurs projets et objectifs qui me font avancer.
EL: Enfin et pour terminer, quels sont tes futurs projets, voire tes rêves à venir dans la discipline ?
Aujourd’hui même, Il n’est un scoop pour personne de dire que la « Diagonale des Fous » à La Réunion occupe mes rêves les plus fous. Aussi les courses aux États Unis m’attirent également. Mais au-delà du résultat, c’est bien le chemin qui m’y conduira qui m’attire et me motive chaque jour à poursuivre ce rêve.
C’est un rêve de voyage, de partage, dans mon imaginaire poétique guidée par une recherche personnelle d’évolution.
Palmarès de David
Triathlon
4ème aux JO de Londres 2012, Champion d Europe 2015, champion de France junior - U23 et par équipe,
5 podiums en Série mondiale / 6 podiums en grands championnats,
12 années en Equipe de France.
Course à pied / Trail
Médaille d’Or au Jeux des îles sur 5000m (2015)
Vainqueur de la Mascareignes en 2016 (2e en 2013),
2 titres de Champion de la Réunion de Cross,
Vainqueur de la Mascareignes (2016), et double vainqueur du Trail de Bourbon (2017, 2018)
Records
3000m: 8’15’’
5000m: 14’20’’
10000m: 29’45’’
Objectifs en Trail et rêves
Acquérir de l’expérience au contact des meilleurs,
Se qualifier pour les Championnats du monde de Trail et y performer,
Gagner un jour le Grand Raid ...
Magnifique portrait de David Hauss (été 2015) @Z'images in aiR
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