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Photo du rédacteurEric Lacroix

La foulée, geste essentiel du coureur

Dernière mise à jour : 1 août 2020



"Pour moi, le plaisir prend forme lorsque j’ai facilité à courir vite, que je me sens léger et que le temps de suspension entre deux foulées semble long et bon..." Cédric Fleureton


La vitesse de base est en principe un atout pour toutes les distances de course à pied et il n’est plus utile désormais d’en faire la démonstration. Quand bien même nous ne sommes pas capable de courir un 1.000 m en moins de 3 minutes, ce n’est pas bien grave. En effet le travail d’une certaine vitesse de course permet également d’améliorer sa foulée. C’est ce qu’on appelle le style. Celui-ci, en s’améliorant, permet de dépenser beaucoup moins d’énergie.


Mais attention, il est aussi intéressant de travailler avec des chaussures plus légères, pour retrouver les sensations du pied. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer des coureurs effectuer du « fractionné » sur un stade. On constate bien souvent un gros gaspillage d’énergie : certains martèlent les pieds au sol (bruit bien perceptible synonyme de traumatismes), d’autres ont une position assise avec une foulée trop petite, voire trop longue.


On le comprend, l’objectif n’est pas de devenir un grand coureur de demi-fond, mais bien de progresser dans le style pour que la foulée soit plus économique sur de plus grandes distances.

Rendement de la foulée et amélioration de la cadence de course Afin de fractionner correctement lors des séances d’intensité, il est tout à fait possible d’introduire un autre paramètre, celui de rendement avec comme indicateur visible le nombre de répétitions par minutes (notion de cadence de course).


Le rendement représente le ratio entre les changements respectifs du travail mécanique et la dépense énergétique lors d’une épreuve progressivement intense. Ce rendement est d’ailleurs supérieur en course à pied en comparaison du cyclisme. Le chercheur Suisse Grégoire Millet attribue cette différence essentiellement au stockage-restitution de l’énergie élastique dans la composante élastique des extenseurs des genoux ; phénomène qui existe en course à pied et non en cyclisme.


Le coût énergétique de la course est donc fortement dépendant du coût à générer lors des forces s’exerçant durant la phase de soutien et donc inversement proportionnel au temps de contact. En fait, durant l’appui de course, les muscles agissant sur les articulations du genou et de la cheville sont alternativement étirés et raccourcis.


Ce phénomène, que les physiologistes appellent le cycle étirement-raccourcissement (the strech-shortening cycle), traduit la mise en jeu du potentiel élastique des muscles et des tendons du membre inférieur. Ce processus de stockage-restitution d’énergie potentielle élastique permet d’améliorer le rendement de la course, et les différentes structures se comportent donc comme des ressorts.


Selon Alain Piron, entraîneur émérite d’athlétisme, l’appui n’est que le maillon d’une chaîne de transmission des forces et ce qui fonde l’efficacité, c’est toute l’organisation corporelle autour de cet appui selon les moments de la course. En fait, l’alignement est important, dès la pose de l’appui pour résister aux déformations afin de ne pas amortir, mais au contraire emmagasiner de l’énergie pour mieux la restituer (mise en tension/renvoi).


À ce point de vue, la qualité du gainage et de la synchronisation des segments libres sont des éléments déterminants. L’idée fondamentale est donc donnée par l’importance du rôle de la jambe libre comme futur appui à venir :

"l’appui se prépare dans la suspension, c’est la phase clé où l’athlète se prépare à une pose active de son appui. En ce sens la fréquence des foulées (ou RPM) avec une pose rigide au sol sont des pistes intéressantes de travail et de progrès, surtout lors des séances en côtes courtes par exemple".


L’idée étant de bien se concentrer sur ces éléments pour ressentir la réactivité élastique ainsi que la pose rigide de l’appui au sol. Pour cela il est nécessaire de bien comprendre objectivement ce qu’est la cadence de course :

  • la cadence de course (RPM) est le nombre de fois que le pied gauche ou droit touche le sol par minute ;

  • la longueur de la foulée, quant à elle, est la longueur moyenne d’un pas. Il s’agit de la distance entre le pied droit et le pied gauche lorsqu’ils touchent le sol.

  • On peut en extraire une vitesse en course à pied donnant l’équation : Vc (vitesse de course) = 2 x L (longueur de foulée) x rpm (cadence)

On peut donc, soit :

  • augmenter la cadence ;

  • ou allonger la foulée.

Il est bien sûr prouvé que la différence de vitesse se fait sur la capacité à avoir une grande amplitude de foulée tout en conservant une cadence élevée. Cependant, et lorsque l’on évoque le modèle d’économie de course, il nous semble primordial de privilégier la cadence afin de rechercher un gestuel rapide, solide et efficace, surtout lorsque l’on doit courir en montagne ou la cadence peut chuter fortement que ce soit en montée ou en descentes.

Limites du développement de la cadence de course

  • la cadence est bien sûr fonction du morphotype de l’athlète ;

  • elle ne progresse pas très vite et demande un apprentissage assez long ;

  • pour cela il est nécessaire d’en prendre vraiment conscience à l’entraînement afin de stimuler régulièrement les connexions neuromusculaires ;

  • il est préférable de réaliser ce genre de séance sur des côtes courtes afin de ne pas entraver la qualité neuromusculaire sur des efforts beaucoup plus prolongés.

Sur les divers modèles de montre GPS, il est désormais possible de pouvoir constater ce genre de paramètre et donc d’en dégager une piste éventuelle de progression dans le pattern gestuel de la course à pied.


Macadam et foulées

L’entraînement sur route reste très codifié avec une grande importance donnée au travail d’allure. La répétition quasi à l’identique de chaque foulée engendre une optimisation de l’organisme (muscles, tendons, schéma corporel...) à une certaine amplitude ou gestuelle.


Pour faire un constat assez bref des recherches actuelles sur ce sujet, et notamment pour ce qui concerne l’observation de la foulée en course, il est nécessaire de citer l’étude scientifique de l’équipe de Volodalen®. Cette étude fait ainsi état de représentations diverses de la foulée comme système, et soutient l’existence de deux grands processus d’optimisation.


En effet, il existe, selon eux, deux types de coureurs, un coureur de type aérien et un coureur de type terrien :

  • coureurs aériens : ils utilisent une biomécanique de course basée sur le stockage et la restitution d’énergie élastique faisant ainsi référence aux variables du modèle classique « masse-ressort ». Ce modèle est basé sur un temps d’appui court et un temps de vol long. Il inscrit le mouvement dans la verticalité et recourt à la récupération d’énergie élastique ;

  • coureurs terriens : ils favorisent quant à eux une biomécanique de course diminuant la verticalité en faisant référence à un nouveau modèle d’efficacité plus horizontal. Ce modèle repose sur un long temps d’appui autorisant une phase de poussée plus longue, une proportion d’énergie dé- pensée vers l’avant plus grande, une oscillation verticale plus faible et un temps de vol réduit.

Schéma tiré du livre Trail !


Ainsi et pour être efficace, aujourd’hui le coureur est enjoint à rebondir sur l’avant-pied de manière à stocker et restituer l’énergie élastique, alors qu’auparavant on lui proposait plutôt de poser le talon et de pousser vers l’avant afin d’éviter de dépenser l’énergie contre la gravité3. Cette approche propose donc une synthèse de ces deux visions, synthèse qui est spécifique aux qualités et donc à la motricité des coureurs :

« Dans les deux cas l’économie de course est identique. Ces foulées différentes semblent orienter les coureurs vers des environnements préférentiels à l’image de la vitesse de course que les aériens préfèrent plus rapide. Cette orientation du coureur vers un environnement qui lui conviendrait mieux, est en quelque sorte en corrélation avec le plaisir qu’il ressent".


Chaque coureur pourrait ainsi s’orienter vers l’environnement (sol, distance, dénivelé...) qui favorise son efficacité. Cela signifie également qu’il y aurait des environnements plus adaptés à certaines foulées. Dès lors, on peut penser que les entraînements favorables varient aussi selon la foulée du coureur.


La fatigue périphérique en ultra-distance semble également jouer un rôle primordial dans le changement possible de la foulée. Une foulée qui semble passer progressivement d’un modèle aérien à un modèle terrien (quand bien même nous pouvons évoquer la foulée extraordinaire de l’Américain Jim Walmsley, ...mais cela reste encore à démontrer).


Cependant l’étude de l’équipe de chercheurs du Docteur Ho nous montrant les points de pression exercés sur la voute plantaire selon le pourcentage de pente à une allure de 7 km/h nous éclaire fortement sur les forces exercées sur le pied et donc sur l’ensemble des muscles locomoteurs. Cela nous permet d’envisager très certainement une préparation orientée sur le renforcement musculaire que ce soit pour les muscles profonds ou les muscles superfi- ciels.


Le balancement des bras (par Frédéric Brigaud) Le balancement des bras n’est pas accessoire car il stabilise et dynamise la foulée. Délaissé par les coureurs, ni appris, ni travaillé, il est seulement l’expression du hasard. Il suffit d’observer les coureurs de face pour se rendre compte que chacun balance les bras dif- féremment. Certains fléchissent exagérément les coudes, d’autres orientent les bras vers l’intérieur ou ne balancent pas les bras mais pivotent le buste, ou encore produisent une gestuelle asymétrique.

Des défauts techniques qui ne sont que l’expression de leurs automatismes. Sans action consciente, ces automatismes n’évolueront qu’au hasard des entraînements et des bles- sures.

Que prendre en compte et vers quoi tendre ?

Chez la plupart des coureurs le balancement des bras est bien souvent en bout de chaîne, en ce sens qu’il n’est que la conséquence du mouvement alternatif des jambes, davantage passif qu’actif. Alors qu’un balancement actif des bras se répercute jusque dans les pieds.

Il suffit, pieds joints, de balancer les bras pour s’en rendre compte. Le corps se met alors à pivoter alternativement vers la droite et la gauche autour des appuis au rythme des bras.

Comment développer un balancement des bras efficace ?

Le balancement des bras, tout comme la qualité de la prise d’appui, se travaille d’abord chez soi face à un miroir. Réglez les différents paramètres précédemment évoqués et commencez par balancer les bras lentement, puis augmentez progressivement le rythme jusqu’à 180 BPM (balancements par minute). Vous serez ainsi à même de calibrer votre gestuelle et développer votre ressenti corporel. Vous saurez vers quoi tendre et si votre gestuelle est défaillante une fois en extérieur.

Faites cet exercice 5 à 10 minutes, 5 fois par semaine, et votre gestuelle évoluera d’elle- même. Notez également que le corps est l’expression de ce que vous en faites. Dès lors, sans balancement actif des bras dans la course à pied, la musculature ne sera pas au rendez-vous. Les bras se balancent en général autant de fois qu’il y a de foulées, de quoi développer une musculature efficace pour peu que le geste soit correctement exécuté.


Drop et minimalisme Le drop, c’est la différence de hauteur entre l’arrière (talon) et l’avant (avant-pied) de la chaussure. Pour schématiser, une chaussure à talons aiguilles aura un drop très élevé car la différence de hauteur entre l’avant et l’arrière est importante alors qu’une tong aura un drop nul.

En course à pied, la notion de « drop » a fait son apparition aux yeux du grand public il y a quelques années seulement. C’est pourtant un élément de conception incontournable pour tous les ingénieurs quelques soient les marques. La nouveauté, c’est que le drop est de plus pris en compte au moment de choisir une paire de chaussures. En effet la différence de hauteur entre l’avant et l’arrière de la chaussure n’est pas sans conséquence sur le coureur et sa foulée.


Par contre, il n’y a pas aujourd’hui de certitudes sur l’influence du drop sur les performances ou les blessures du coureur bien qu’il y ait un impact direct sur les muscles et les tendons. Ainsi, avec un drop faible, les mollets et les tendons d’achille sont plus étirés. C’est pourquoi, tout changement de drop doit se faire très progressivement.


"Rigidité" de la foulée

Une étude anglaise récente nous fournit des preuves nouvelles et solides sur un nécessaire travail technique de course sur la rigidité du corps. Cette technique de course explique ainsi une part importante dans la progression de l’économie de la marche (39%) et de la perfor- mance en course à pied (31%).


Il est donc recommandé aux coureurs et aux entraîneurs d’être attentifs aux paramètres de la foulée (temps de contact au sol et longueur de foulée plus courts par exemple). L’angle des membres inférieurs doit être également pris en compte avec notamment une moindre amplitude de mouvement du genou.


Pour finir il faut que l’athlète ai une certaine prise de conscience du travail de la hanche pendant la course qui lui permet d’optimiser le mouvement du bassin en ayant un freinage minimal, une oscillation verticale diminuée et une rotation transversale minime( étude de

J. Folland, S. Allen, M. I Black, J. C Handsaker, et Stephanie E Forrester Running Technique is an important component of running economy and performance, The official Journal of the American Collège Of Sports Médecine, February 2017).


Les principes qui incitent à tirer le meilleur parti des capacités de notre corps en matière de course à pied guident désormais de nombreuses sociétés. À l’image par exemple de la marque américaine ALTRA® qui, en très peu de temps, a connu une forte croissance sur son marché local, notamment dans la ville d’Auburn, la ville d’arrivée de la Western States, ou pratiquement un coureur sur deux est chaussé de la marque au zéro drop.


Cette prise de conscience est concomitante avec l’émergence du minimalisme en course à pied. Le pied nu a un drop nul car le talon et l’avant-pied se situent à la même hauteur, direc- tement en contact avec le sol. C’est pourquoi, l’idée d’une chaussure permettant au pied de fonctionner tel que la nature l’a conçu (et donc avec un drop zéro) a fait son chemin. Mais le drop seul n’est pas un critère suffisant pour classer une chaussure comme minimaliste.


De nombreux aspects sont à prendre en compte comme son poids, sa hauteur, sa flexibilité. Certains auteurs tels que Lieberman ont poussé plus loin cette analyse en mettant en avant les avantages de la course pieds nus. Ainsi ils suggèrent que les athlètes qui courent pieds nus ont une attaque sur l’avant-pied et ont donc une force d’impact trois fois inférieure à celle des coureurs chaussés et que ceux attaquant avec l’arrière-pied.

Squadrone et Gallozzi indiquent que les coureurs pieds nus expérimentés subissent moins de pressions sur le médio-pied et le talon que les coureurs chaussés. Ainsi beaucoup d’entraîneurs considèrent que la course pieds nus peut avoir un effet sur la force musculaire, la performance et la prévention des blessures.

Cyril Gindre est lui moins radical et incite à une certaine prudence. Ainsi et pour tenter d’identifier les différents patterns gestuels de la course à pied, il parle de deux cas de coureurs :

  • ceux qui rasent le sol qu’il nomme les « coureurs terriens » (avec une attaque de l’arrière-pied) ;

  • et ceux qui rebondissent dans les airs, qu’il appelle les « coureurs aériens » (avec une attaque de l’avant-pied).

Si l’on souhaite trouver une piste de progression, il est donc souhaitable de basculer d’une transition de l’attaque de l’arrière-pied vers une attaque de l’avant-pied, qui per- mettrait de réduire les douleurs fémoro-patellaires et les douleurs associées au syndrome des loges du membre inférieur. En fait, notre : « Système foulée s’adapterait en fonction des zones de faiblesse, de manière à éviter des tensions trop importantes susceptibles de favoriser les blessures ».

Pour cela, et selon Daniel Dubois, il est nécessaire que l’on passe progressivement « d’une foulée dynamique de propulsion à une foulée d’amortissement et protectrice du squelette. » Un véritable travail d’apprentissage, d’observation et de patience.


Références

Alain Berthoz, Le sens du mouvement, Éditions Odile Jacob, 1997

Frédéric Brigaud, La course à pied – posture, biomécanique, performance, Ed. DésIris, 2015 ; Guide de la foulée avec prise d’appui avant-pied, Ed. DésIris, 2015 ; Le football se joue avec les bras, Ultramag juin 2014 - www. eadconcept.com


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