Lorsque l'on prépare une grande échéance, ou un objectif majeur en compétition, la fraîcheur physique, si possible avec de bonnes sensations, est un facteur important pour parvenir au but fixé . Seulement, et on n'y échappe pas, il y a un moment donné où le physique décline. C'est alors que le coureur n'a d'autre choix que de faire appel à ses ressources mentales.
En fait, il existe certains principes liés à cet état de fraîcheur :
La récupération comme aspect physique, pour assimiler au mieux les entraînements et arriver en forme le jour J ;
Mais aussi la régénération, comme processus général directement lié au mental.
La notion de fatigue mentale dans l'entraînement est donc nécessaire et il semble intéressant de veiller, à l'approche de l'événement, à garder l'envie intacte.
Cependant ces ressources mentales sont loins d'être travaillées à l'entraînement et la dose de confiance emmagasinée peut donc faire défaut d'autant plus qu'elle est fortement liée au niveau de fraîcheur et à la gestion de sa fatigue physique.
Le maitre mot semble donc être la gestion mentale qui se résume à pouvoir gérer ses pensées et ses émotions.
Le subtil équilibre "Pensées – émotions" pour un meilleur « état d’être »
Notre cerveau joue un rôle majeur, que ce soit pour nos sentiments, nos actes et notre comportement vis-à-vis des autres et de nous-même. Il est ainsi l'organe principal de notre personnalité et il induit bon nombres de nos décisions.
Si notre cerveau fonctionne mal alors notre quotidien peut devenir difficile à vivre et c'est pourquoi il peut être utile d'en avoir conscience et de le travailler.
Cela dit, et à ce stade il est aussi normal d'hésiter à se dire que notre mental puisse exercer des effets réels et mesurables, car bien souvent nous fonctionnons de manière pragmatique et cartésienne, et surtout de manière automatique et inconsciente.
En effet, tous nos gestes du quotidien, nos décisions, nos paroles se font de manière inconsciente - et ce pratiquement à 90% - sans que nous puissions nous en rendre compte.
C'est pourquoi si l'on continue à entretenir les mêmes pensées et les mêmes sentiments familiers il est probable que l'on retrouve sans cesse la même réalité.
Concrètement, et en tant que coureur, cela se résume à continuer à penser que notre entraînement n'est pas à remettre en cause parce qu'il est donné par un coach, ou bien qu'il a déjà fonctionné auparavant. Nos souvenirs familiers nous incitent en fait à reproduire les mêmes expériences.
Mais si des problèmes surgissent (conscients ou inconscients) il est probable que nous puissions revivre la même situation difficile (période de grande fatigue et de doutes, abandons, blessures...)..
Bref, il est important à ce stade de pouvoir prendre du recul et de se poser certaines questions essentielles sur sa pratique dans la gestion de son entraînement.
Bien souvent on espère que quelque chose de nouveau apparaisse alors que l'on entretient chaque jour les mêmes pensées et que l'on s'entraîne toujours de la même façon.
Au-delà de se poser la question du pourquoi c'est surtout comment y remédier ?
Pour cela nous devons changer notre manière de penser, d'agir et de ressentir les choses, en modifiant notre "état d'être" et devenir en quelque sorte un nouveau coureur.
Modifier la boucle de nos pensées et de nos sentiments
Lorsque nous entretenons des pensées positives, de joie de plénitude, nous produisons des substances chimiques qui nous rendent joyeux et sereins. Par contre, il en est de même si nous entretenons des pensées anxieuses ou d'impatience.
Il existe une synchronisation entre le cerveau et le corps. Et le cerveau vérifie en permanence ce que le corps ressent. Si nous lui envoyons donc en permanence des pensées négatives le corps va réagir certainement avec des degrés de douleurs plus prononcés, ce qui peut provoquer une boucle d'ondes progressivement négative.
En fait comme l'évoque Joe Dispenza dans son ouvrage "Rompre avec soi-même" : "si nous pouvons maîtriser la souffrance, nous pouvons tout aussi facilement maîtriser la joie".
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Il existe donc un cycle de la pensée et de l'émotion qu'il faut entretenir positivement. En effet le cerveau fabrique des substances chimiques qui font en sorte que nous ressentons exactement ce que nous pensons, et provoque un "état d'être".
Prendre de nouvelles habitudes
En tant que coureur nous pouvons désirer être heureux, en bonne santé et libre mais en fait notre expérience au quotidien peut aussi être construite sur des contraintes, des souffrances et des maux divers (blessures, lassitude). Il est donc peut être nécessaire de se débarrasser de certaines croyances, car la plus grande habitude vient de nous-même.
Par exemple :
- A t'on adopté un mode de vie plus sain par une meilleure alimentation ?
- Notre entraînement est-il bien adapté aux contraintes de notre emploi du temps (se forcer d'aller courir sur la pause déjeuner par exemple ou alors après une journée de travail harassante) ?
- Est-on en adéquation entre l'image que nous voulons offrir aux autres et nous-mêmes ?
En fait il est essentiel de devenir qui nous sommes réellement en tant que coureurs, le vrai soi, et non de se dissimuler derrière une image que nous projetons.
Notamment le fait de dire que l'on doit toujours se faire plaisir en course, alors que c'est en général faux, car il faut aussi passer par des moments difficiles pour apprécier les meilleurs moments ; sinon nous devons augmenter en permanence la dose pour se sentir bien.
Il peut alors en résulter une recherche effrénée du plaisir et donc les moyens d'éviter la souffrance à tout prix, ce qui n'est pas possible dans notre activité.
Ces stratégies d'évitement peuvent aussi devenir progressivement des dépendances : je vais m'entraîner plus pour trouver davantage de plaisir. Si je cours suffisamment je vais réussir à faire disparaître certains sentiments comme l'ennui, ou celui de ne pas être à la hauteur, voire la peur de grossir ou de ne pas être aimé.
Bref l'entraînement produit aussi un changement chimique intérieur et même si je me sens bien sur le moment, il peut aussi se produire un trop plein d'énergie mentale qui peut nous faire sombrer dans une grande lassitude, voire un burn out dans lequel il peut être difficile d'en sortir.
Alors existe t'il des indicateurs de notre fatigue mentale ?
Concrètement, et c'est une bonne nouvelle pour le coureur, il est possible d’estimer et d’évaluer des indicateurs possibles de l’état du corps pendant l’effort : ce sont des ressentis et des perceptions de l’effort.
On peut les décliner sous plusieurs formes, et ils sont souvent assimilés à des facteurs limitants, qu’ils soient d’ordres physiologiques, kinesthésiques, externes, mais aussi émotionnel et psychologiques.
Les indicateurs et ressentis physiologiques sont souvent liés à la fréquence cardiaque, car il est facile de l’évaluer. On ne doit pas pour autant en conclure que la fréquence cardiaque est le déterminant de la perception de l'effort, ni surtout qu'il en constitue le seul.
En fait, diverses variables physiologiques ont été mises en relation avec l'effort perçu : on a ainsi montré des corrélations hautement significatives avec les lactates, la consommation d’oxygène, le débit ventilatoire, ou la viscosité sanguine.
L'ensemble de ces variables évolue de manière concomitante avec l'intensité de l’exercice et il semble logique qu'elles présentent toutes des corrélations élevées avec l'effort perçu.
Ainsi la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) est un excellent élément prédictif du surentraînement. Car la cohérence cardiaque est en fait le point clé du relais entre le cerveau et le coeur.
Le corps est bien fait, il possède des milliers de capteurs susceptibles de nous informer sur notre état pendant l’effort et il faut savoir être à l’écoute de ces signaux.
Cependant, et comme évoqué, nous oublions que les critères fondamentaux pour réussir en course à pied sont aussi les ressources mentales qui sont mises en œuvre pour durer et endurer dans la course.
En effet, c’est bien le cerveau et les pensées qui vont commander et nous guider dans notre quête de performance.
Et c’est encore lui également qui va nous pousser à nous bouger ou à nous limiter pour réaliser nos séances hebdomadaires. Il existe en effet de nombreux exemples de moments de grande lassitude ou d’euphorie dans certaines sorties, sans pouvoir savoir pourquoi on les vit.
Ainsi et pour adapter correctement ses entraînements et sa pratique avant une compétition, l'étape préalable est de savoir où l'on en est.
C'est ce l’on nomme dans notre méthode « l'état des lieux » :
• Est-ce que j'ai pu m'entraîner correctement et accumuler du volume et du dénivelé suffisant pour m’aligner sur cette épreuve ?
• Inversement, est-ce que je suis parti en vacances ou me suis-je blessé-e ?
J'en prends donc conscience, et je peux donc me projeter davantage en estimant les buts réels et réalistes sur lesquels je peux fixer mon attention et ma motivation.
La perception du ressenti d'effort, un outil qui nous accompagne
Cette notion, reprise dans l’excellent ouvrage de Matt Fitzgerald « 80 / 20 running », nous permet de comprendre qu’il est aussi très important de pouvoir associer aux indicateurs classiques de contrôle de la séance (fréquence cardiaque, essoufflement, allure) des indicateurs personnels de ressenti d’effort.
En effet, ces indicateurs permettent de pouvoir déceler les sensations du jour et donc d’individualiser plus fortement les effets recherchés à l’entraînement. Il est vrai que l’on peut avoir une journée difficile au travail ou ressentir une fatigue liée, par exemple, au contexte familial et il est donc essentiel de pouvoir réguler le jour même car il y a des bons et des mauvais jours.
Parfois, nous atteignons une zone où tout va pour le mieux, sorte d’instant magnifique ou tout est synchronisé et l’impression de « voler sur la séance ». Nous nous réjouissons donc en permanence d’une certaine pensée positive.
Mais il y a aussi d’autres jours qui sont plus pénibles et nous n’arrivons pas à actionner la pédale de l’accélérateur, comme si l’autre pied était bloqué sur le frein, avec les muscles lourds et les commandes qui ne répondent pas.
Des échelles fiables
La mesure de la perception de l’effort (PE) semble être une très bonne alternative à toutes les méthodes qui nous paraissent un peu scientifiques (mesure des lactates, des dérives de fréquence cardiaque).
Elle permet surtout à l’athlète de se situer lui-même sur une échelle de niveau d’effort. Ces indicateurs lui permettent ainsi de pouvoir contrôler en quelque sorte la progression et de déceler éventuellement des signes de fatigue, voir de surcharge non fonctionnelle.
Cependant les aspects psychologiques influencent fortement la valeur de la PE reportée par un individu : lorsque certains coureurs ont tendance à sous-estimer l’effort (la mauvaise tolérance à l’effort étant perçu comme une faiblesse), d’autres le surestiment (pour susciter la compassion).
Cette mesure demande donc un temps d’apprentissage assez long de cet outil et surtout de se l’approprier personnellement.
L’échelle PE que propose Matz Fitzgerald est sur ce point très intéressante, car elle propose une cotation de 1 à 10 avec des ressentis concrets et explicatifs pour la course à pied.
Pour conclure
Notre corps est certes capable de grandes choses, mais il est avant tout nécessaire de pouvoir mobiliser et convaincre l’esprit, sorte de méditation qu’il faut aussi éduquer lors de nos efforts quotidiens pour qu’ils deviennent des routines durant la compétition.
Mais aussi et surtout quels outils vais-je mettre en oeuvre pour me préparer mentalement à bien vivre mon épreuve ?
Un véritable travail de respiration (cohérence cardiaque) ou de méditation, que nous verrons dans un prochain article, peut donc être construit en parallèle, bien que beaucoup de coureurs y soient réticents par manque de temps ou d'intérêt.
Comme vous pouvez le constatez, notre méthode privilégie notre « état d’être » dans sa totalité, pour devenir un coureur plus épanoui, plus lucide, plus calme.
Le chemin est long mais l’aventure en vaut la peine.
Références:
Joe Dispenza, Rompre avec soi-même, Arianne Éditions, 2013
Kenneth E. Callen, M.D., Mental and emotionnal aspects of long-distance running, Psychosomatics (The Journal of the Academy of Psychosomatic Medecine), vol 24, n° 2, février 1983.
Kilpatrick M, Kraemer R, Bartholomew J, Acevedo E, Jarreau D. (2007) Affective responses to exercise are dependent on intensity rather than total work, Med Sci Sports Exerc, 39(8) :
1417-1422.
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