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Photo du rédacteurEric Lacroix

Méthodes low carb, sleep low et train low : les clés en nutrition sportive ?

Dernière mise à jour : 30 mai 2020




Portés pendant des décennies sur un piédestal par le monde sportif, la bonne vieille assiette de pâtes après l’effort et ses acolytes glucidiques (riz, pomme de terre, pain, etc.) se voient de plus en plus remis en question au regard des dernières données scientifiques. Alors, doit-on désormais délaisser ces fameuses pâtes au profit du modèle low carb high fat ?

Voyons tout ceci en détails.

Mais pourquoi remettre en question le dogme des glucides dans le monde du sport d’endurance ?


Dans un précédent article, j’ai eu l’occasion d’aborder les intérêts et les limites du régime dit cétogène. Pour rappel, ce modèle alimentaire vise à supprimer totalement toutes les sources de glucides de l’alimentation, hormis ceux issus des légumes et éventuellement de quelques baies (entre 30 et 50g de glucides par jour au total).


L’objectif est alors de contraindre l’organisme à activer une voie énergétique considérée d’urgence face à cet état de privation que l’on nomme la cétogenèse. Les corps cétoniques ainsi produits représentent alors une alternative au manque de glucose d’origine alimentaire pour nourrir les organes gluco-dépendants comme le cerveau ou les globules rouges.

En parallèle et de facto, le métabolisme de combustion des graisses se voit stimulé pour apporter de l’énergie (lipolyse). Vous pouvez retrouver l’article intégral ici.


Dans une logique d’optimisation des performances, et notamment pour dépasser la contrainte de dépendance au glycogène musculaire (pour rappel, les réserves en glucides disponibles pour la contraction musculaire), plusieurs concepts ont vu le jour ces dernières années. Le régime cétogène sportif représente alors un schéma théorique idéal : en produisant des corps cétoniques via la cétogenèse sur le long terme, l’athlète d’endurance se voit ainsi affranchi des besoins glucidiques. Oui, mais. Deux nuances majeures méritent alors d’être apportées.


D’une part, et c’est à mon sens un élément déterminant dans la décision d’opter pour ce type de modèle alimentaire, tout écart est proscrit dans la mesure où l’organisme exige environ trois jours pour activer efficacement cette cétogenèse. Pour simplifier, une consommation importante de glucides se traduira par un retour en arrière. L’alimentation quotidienne repose alors sur une dominante de végétaux, de graisses de qualité et de protéines animales mais sans aucune source de féculents ni de sucres, y compris sous forme de fruits. Il s’agit donc là d’une véritable décision « sociale » face aux choix alimentaire du quotidien, impliquant bien souvent la famille entière.


D’autre part, la cétogenèse représente essentiellement une voie énergétique d’urgence non destinée à se pérenniser. Dans cette configuration, plusieurs raisons physiologiques peuvent alors remettre en question la légitimité de ce modèle :

  • Risque d’acidocétose en cas de déficit calorique, ce qui constitue à mon sens la prudence principale.

  • Asthénie et déficit en coenzyme Q10, le nutriment de prédilection des mitochondries, nos précieuses usines cellulaires respiratoires, etc.).

  • Les athlètes entraînés présentent des concentrations moindres en cétones du fait de l’adaptation mise en place sur le long terme.

  • La présence importante de corps cétoniques semble réduire l’oxydation des glucides à l’effort.

Se pose alors légitiment la question de savoir si une solution plus « souple » pourrait permettre de bénéficier partiellement des intérêts des deux modèles.


Low carb, un modèle alimentaire plus qu’un régime

Le terme de régime renvoyant à la notion de frustration et de privation, je préfère parler ici davantage de modèle alimentaire. Il s’agit en effet avant tout d’initier des habitudes alimentaires visant à réduire la consommation d’aliments glucidiques, en particulier à index glycémique élevé. Dans cette perspective, deux modèles diffèrent :

  • Une hygiène alimentaire visant à réduire la part des glucides au profit des lipides dans l’alimentation quotidienne.

  • Une restriction glucidique sélective, définie selon une méthodologie modulant la chronologie des apports en fonction de l’entraînement : on parle alors de modèles « train low », « sleep low » ou de périodisation des apports glucidiques.

Quelle que soit la méthode utilisée, l’objectif demeure le même en termes de performances en endurance : stimuler la lipolyse et faire en sorte qu’elle soit proportionnellement la plus élevée possible afin de préserver le glycogène au cours des efforts de longue durée. Cette modulation est recherchée depuis plusieurs décennies déjà à travers l’entraînement à jeun par exemple, ou plus récemment en évitant de consommer des glucides au cours des heures suivant un effort visant à épuiser les réserves en glycogène (soit une logique inverse à celle de la fenêtre métabolique, plus conventionnelle).


En abaissant le niveau de glycogène musculaire, certains facteurs (dits de transcription, AMPk et MAPk) activent la fabrication de nouvelles protéines et d’enzymes mitochondriales, alors plus nombreuses et plus efficientes pour « bruler les graisses » (1-4). Le rendement métabolique s’en trouve ainsi amélioré. Parmi les fervents défenseurs de cette approche, plusieurs scientifiques ont pris une position clairement partisane du low-carb, notamment les reconnus Tim Noakes, pionner de la remise en question de nombreux concepts physiologiques dont celui de la fatigue centrale à l’effort, et Jeff Volek, fondateur du centre de recherche FASTER (Fat Adapted Substrate oxidation in Trained Elite Runners).


Point important à noter : une telle approche nutritionnelle permet de réduire les risques de troubles digestifs à l’effort par excès de consommation de glucides, soit un facteur loin d’être négligeable au regard de la fréquence des coureurs concernés (30 à 50%).


Bien que séduisante, une telle pratique nécessite toutefois quelques précautions dès lors que la pratique sportive est régulière. Des susceptibilités aux infections en phase post-effort (durant la fenêtre métabolique) ont en effet été relatées (5), de même qu’un risque de fonte musculaire (6), hormis quand les apports protéiques au cours de la journée sont suffisants (7). Il apparaît également nécessaire de pratiquer régulièrement des entraînements en phase normo-glucidique (apports de glucides avant un effort de longue durée ou à haute intensité pour optimiser le glycogène) afin de maintenir l’efficacité du métabolisme glucidique (1, 5).


Et surtout... ce modèle alimentaire semble au final ne pas avoir d’effets significatifs sur les performances comme le démontre des résultats récents (1, 2, 8). Une étude met néanmoins en évidence une légère augmentation de la puissance dégagée en contre-la-montre chez des cyclistes (9).


Mais alors...que retenir ? Une notion essentielle que l’on a tendance à oublier en cherchant à se focaliser sur le débat des substrats énergétiques : la performance cellulaire n’est pas uniquement liée à la disponibilité énergétique musculaire mais représente avant tout une réponse intégrée et complexe (10). Cette absence d’amélioration des performances s’explique en effet en partie par la difficulté pour l’athlète de conserver une intensité haute face à une perception de fatigue souvent plus élevée. Ce à quoi s’ajoute – et c’est bien là le point central – l’optimisation de la santé de l’athlète. Sur ce point, un modèle alimentaire pauvre en glucides en faveur des graisses de qualité apparaît favorable à plusieurs niveaux : meilleure sensibilité à l’insuline et donc meilleure gestion du poids, réduction des cytokines pro-inflammatoires, du stress oxydant, de la consommation d’oxygène, de la pression artérielle, meilleure prévention cardio-vasculaire, activation de protéines anti-tumorales (11-14).


Autre alternative recherchée par certains athlètes : cumuler les deux atouts, à savoir adapter l’organisme à utiliser les graisses à l’effort au quotidien et réaliser une course avec des stocks optimaux en glycogène, ce que l’on appelle la méthode « Train low, compete high ». Attention toutefois au risque digestif du fait de ce brusque changement.

Etablir une stratégie chronologique grâce au train-low ou sleep-low

Si vous vous sentez plus à l’aise avec une alimentation riche en glucides (à index glycémique moyen et bas toutefois), reste l’option de la manipulation glucidique en fonction des entraînements.


La méthode train low

Il s’agit là de jouer astucieusement des stocks de glycogène en cas d’entraînement biquotidien :

1. Réaliser votre premier entraînement, de préférence long, en ayant mangé des glucides en quantité habituelle (en dehors de tout régime low carb),

2. Consommer une ration de récupération et un repas à dominante de protéines, de légumes et de graisses de qualité (oléagineux notamment), donc sans glucides,

3. Réaliser votre second entraînement avec de fait un stock de glycogène réduit, 4. Privilégier un dîner riche en glucides.

Dans ces conditions, les mécanismes d’adaptation apparaissent similaires au modèle low-carb, à savoir une amélioration de l’oxydation des lipides et de l’efficacité des mitochondries (quantité, efficacité, nombre d’enzymes) (1- 4).


La méthode sleep-low

Voici une dernière alternative notamment si vous ne pouvez pas réaliser d’entraînements biquotidiens, à appliquer trois fois par semaine, pendant une durée de trois semaines :

1. Réaliser un entraînement à haute intensité et sans apports glucidiques l’après-midi (à plus de 85% de la VMA)

2. Dîner avec un repas riche en protéines, en graisses de qualité et en légumes, donc sans glucides, en veillant à boire de l’eau bicarbonatée (Vichy, Badoit, St Yorre, etc.)

3. S’entraîner à jeun le lendemain à basse intensité (60 à 65% de la VMA)

4. Restaurer un repas de récupération (petit déjeuner) contenant des glucides.


Ce protocole a été mis au point par une équipe de l’INSEEP auprès de 21 triathlètes et a permis d’améliorer le chronomètre moyen sur 10 km de 73 secondes en course à pied (15). Il nécessite d’être confirmé mais a le mérite de mettre en évidence de nouvelles perspectives, pourtant déjà explorées au cours des années 1980 (16,17).

Bien évidemment, au cours de cette périodisation, attendez-vous à ne pas vous sentir au meilleur de votre forme du fait de la restriction glucidique, en particulier si votre alimentation standard est riche en glucides...


En conclusion, quel modèle alimentaire choisir ?

Si on isole le paramètre sportif, le modèle low carb visant à réduire la part des glucides se rapproche fortement du régime méditerranéen revisité, considéré aujourd’hui comme l’un des modèles de référence en matière d’optimisation de la santé, notamment en favorisant une forte sensibilité à l’insuline.


La notion de low carb demeure par ailleurs finalement subjective, dans la mesure où le curseur définissant précisément le point de bascule par rapport à un modèle normoglucidique est ténue, elle sous-entend surtout un certain état d’esprit dans l’approche de l’alimentation. De plus, l’état nutritionnel général de l’individu, à fortiori sportif, va déterminer en grande partie la réponse de l’organisme à cette réduction en glucides, notamment le statut antioxydant (via les végétaux) et en acides gras essentiels (via les graisses de qualité). Une restriction glucidique dans un environnement nutritionnel pro- inflammatoire va au contraire bien souvent en accentuer les mécanismes. Ainsi, focaliser son attention sur la qualité des glucides pour favoriser les charges glycémiques faibles et les aliments à haute densité nutritionnelle (légumineuses notamment) représente dans tous les cas une priorité.


De même, privilégier une alimentation non transformée riche en végétaux permettra de mieux contrôler la qualité nutritionnelle et bien souvent de réduire les glucides. Une fois ces déterminants mis en place, peut alors se poser la question de la restriction glucidique volontaire et du choix entre la périodisation des apports et la réduction globale des glucides. Tout dépendra alors de vos habitudes, de vos contraintes d’entraînement et surtout, de votre réponse individuelle.


Références

1. Holloszy JC, Booth FW. Biochemical adaptations to endurance exercise in muscle. Anne. Rev. Physiol. 1976; 38 : 273-91.

2. Burke LM. Fueling strategies to optimize performance: training high or training low? Scand J Med Sci Sports. 2010 Oct;20 Suppl2:48-58.

3. Hulston CJ, Venables MC, Mann CH, Martin C, Philp A, Baar K, Jeukendrup AE. Training with low muscle glycogen enhances fat metabolism in well-trained cyclists. Med Sci Sports Exerc. 2010 Nov;42(11):2046-55.

4. Morton JP, Croft L, Bartlett JD, Maclaren DP, Reilly T, Evans L, McArdle A, Drust B. Reduced carbohydrate availability does not modulate training-induced heat shock protein adaptations but does upregulate oxidative enzyme activity in human skeletal muscle. J Appl Physiol (1985). 2009 May;106(5):1513-21.

5. Yeo WK, Paton CD, Garnham AP, Burke LM, Carey AL, Hawley JA. Skeletal muscle adaptation and performance responses to once a day versus twice every second day endurance training regimens. J Appl Physiol (1985). 2008 Nov;105(5):1462-70

6. Bartlett JD, Hawley JA, Morton JP. Carbohydrate availability and exercise training adaptation: Too much of a good thing? Eur J Sport Sci. 2014 Jun 19:1-10.

7. Howarth KR, Phillips SM, MacDonald MJ, Richards D, Moreau NA, Gibala MJ. Effect of glycogen availability on human skeletal muscle protein turnover during exercise and recovery. J Appl Physiol (1985). 2010 Aug;109(2):431-8. 8. Taylor C, Bartlett JD, van de Graaf CS, Louhelainen J, Coyne V, Iqbal Z, Maclaren DP, Gregson W, Close GL, Morton JP. Protein ingestion does not impair exercise-induced AMPK signalling when in a glycogen-depleted state: implications for train-low compete-high. Eur J Appl Physiol. 2013 Jun;113(6):1457-68.

9. Burke & al. Low Carbohydrate, High Fat diet impairs exercise economy and negates the performance benefit from intensified training in elite race walkers. J Physiol 595.9 (2017) pp 2785–2807.

10. Cochran AJ, Myslik F, MacInnis MJ, Percival ME, Bishop D, Tarnopolsky MA, Gibala MJ. Manipulating Carbohydrate Availability Between Twice-Daily Sessions of High-intensity Interval Training Over Two Weeks Improves Time-trial Performance. Int J Sport Nutr Exerc Metab. 2015 Mar 26.

11. Noakes, T.D. (2011). Time to move beyond a brainless exercise physiology: the evidence for complex regulation of human exercise performance. Appl. Physiol. Nutr. Metab. 36, 23–35.

12. Bartlett JD, Close GL, Drust B, Morton JP. The emerging role of p53 in exercise metabolism. Sports Med. 2014 Mar;44(3):303-9.

13. Hawley JA, Morton JP. Ramping up the signal: promoting endurance training adaptation in skeletal muscle by nutritional manipulation. Clin Exp Pharmacol Physiol. 2014 Aug;41(8):608-13.

14. Forsythe CE, Phinney SD and al. Comparison of low fat and low carbohydrate diets on circulating fatty acid composition and markers of inflammation. Lipids. 2008 Jan;43(1):65-77.

15. Ballard K, Volek & Al. Dietary carbohydrate restriction improves insulin sensitivity, blood pressure, microvascular function, and cellular adhesion markers in individuals taking statins. Nutrition Research, Volume 33, Issue 11, Pages 905-912.

16.Marquet LA, Brisswalter J, Louis J, Tiollier E, Burke LM, Hawley JA, Hausswirth C. Enhanced Endurance Performance by Periodization of CHO Intake: « Sleep Low » Strategy. Med Sci Sports Exerc. 2016 Jan 7.

17. Lane SC, Camera DM, Lassiter DG, Areta JL, Bird SR, Yeo WK, Jeacocke NA, Krook A, Zierath JR, Burke LM, Hawley JA. Effects of sleeping with reduced carbohydrate availability on acute training responses. J Appl Physiol (1985). 2015 Sep 15;119(6):643-55.

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